Pérol et la révolution numérique

« 2016, la révolution du numérique et du digital » qu’il a dit le monsieur !
Oui, mais quelles conséquences pour les salariés ?

Lorsque dans ses vœux François PEROL parle aux salariés, de numérique et de digital, il fait référence aux technologies, aux outils et aux usages développés autour du traitement automatisé des informations.

Ces technologies, ces outils et ces usages sont en train de bouleverser nos modes de vie et nos activités dans la sphère du travail. Cela se vérifie tout particulièrement dans les métiers de la banque. Le plan stratégique 2014-2017 du Groupe BPCE baptisé « Grandir autrement » place comme première priorité : « Créer les banques de proximité leaders de la relation humaine et digitale ».

Les causes du développement du numérique et du digital

La pensée dominante dans les médias et les entreprises avance des explications aseptisées et naturalisées pour expliquer ce développement : intensification des communications favorisant les relations et le lien social (« monde connecté », réseaux sociaux), gains de temps, simplicité, progrès technique, etc. Mais, si l’on veut bien se rappeler que nous vivons dans un monde mené par le profit, en lieu et place de ces explications présentées comme neutres, inéluctables et surtout évidences indiscutables, il est possible d’identifier d’autres raisons, bassement matérielles, à l’origine de cette évolution telles que :

  • Rendre l’outil de production le plus polyvalent possible afin de multiplier le nombre de services rendus… moyennant rétribution.
  • Disposer d’un outil et d’une technicité permettant de s’adapter le plus rapidement possible aux mutations et aux demandes des marchés afin d’être en capacité d’en retirer le plus rapidement possible de juteux profits.
  • Développer l’automatisation pour réaliser plus de profits.
    â Baisser les coûts. Cela se traduit concrètement par moins de locaux (cf. la Société Générale qui s’apprête à fermer 20 % de son parc d’agences ou le développement du télétravail) et moins d’employés (donc moins de salaires à verser).
  • Transférer des tâches sur les clients pour optimiser le temps de travail des salariés.

Les fondements sur lesquels repose le développement du numérique et du digital

Cette évolution fait primer l’avoir sur l’être, l’emploi impersonnel sur le travail riche en liens sociaux. En effet, elle va de pair avec une société dont une des valeurs cardinales est le consumérisme, une société de consommation. Les nouveaux outils, technologies et usages ont vocation à faciliter mais également susciter les « achats d’impulsion », notamment grâce à de nouvelles modalités de paiement des transactions (carte sans contact, paiement en ligne, etc.) qui permettent de régler des achats à tout moment du jour et de la nuit et depuis n’importe quel endroit de la planète. L’écran amène les produits de consommation et les services chez le particulier qui, connecté en permanence, devient un consommateur à temps complet. L’individu que construit cette société possède deux faces complémentaires. Il est producteur, vendeur (très souvent de produits et services inutiles ou des produits dont la durée de vie est délibérément réduite par le recours aux techniques de l’obsolescence programmée). Il est également dans le même temps consommateur, acheteur. Mais dans les deux cas, il reste prisonnier de l’horizon consumériste auquel il est assigné.

Cette évolution fait peu de cas de la dimension humaine et sociale, absente des nouveaux projets d’entreprise construits autour du digital et du numérique, absente aussi des vœux de François PEROL. Il est intéressant de relever dans le plan stratégique 2014-1017, « Grandir autrement », un glissement significatif. Dans le chapitre pompeusement intitulé « Créons les banques leaders de la relation humaine et digitale », « la relation humaine » mentionnée dans le titre disparaît dès le sous-titre, remplacée par le « réseau physique »… Pour les dirigeants, les choses se résument en « deux mondes « physique » et « digital » ». L’humain se limite à sa nature physique, matérielle, réduit à l’état de corps, simple chair à canon du processus achat/vente. Même lorsqu’il est question de le valoriser, le salarié en tant qu’humain disparaît dans ce processus « peau de chagrin » qui l’efface. En effet, le plan stratégique « ambitionne de valoriser le rôle des conseillers clientèles ». Il n’est pas question de l’épanouissement des salariés considérés en tant que personnes, c’est le « rôle » qui importe ici, non la personne.

Les effets du digital et du numérique

Avec le digital et le numérique le travail change de nature. Le cadre dans lequel il s’effectuait jusqu’alors, le collectif de travail, est remis en cause par une nouvelle organisation de travail dans laquelle les salariés sont de plus en plus isolés, mis en concurrence et affaiblis. On relève tout à la fois :

  • Une intensification du travail (le salarié doit devenir de plus en plus réactif pour faire réaliser des achats d’impulsion à des clients qu’il doit régulièrement démarcher).
  • Une aliénation de plus en plus poussée. Dans le monde capitaliste, dont se revendique PEROL, les rapports humains sont dissous dans des rapports de valeur par lesquels les travailleurs s’aliènent et perdent leur être. Dans ce processus, le sujet est transformé en objet. On parle ici de réification.
  • Une déshumanisation des relations sociales. Avec le numérique et le digital, la « relation » reste avant tout commerciale, la relation « humaine » passe au second plan.
  • Un développement des risques psycho-sociaux.
  • Une stagnation voire une baisse des rémunérations avec une diminution de la partie fixe au profit de la partie variable et aléatoire.
  • Un développement ininterrompu du chômage et de la précarisation des emplois.
  • Une remise en questions des structures représentatives des salariés et des droits de ces derniers.
  • Une dégradation de nos conditions de vie.
  • Un flicage des individus car de plus en plus d’informations personnelles sont non seulement accessibles mais utilisées en permanence.
  • Une multiplication des sollicitations intrusives motivées par la vente de produits et services.
  • Une utilisation de nouveaux outils et de nouvelles technologies à des fins essentiellement spéculatives comme le trading de haute fréquence.
  • L’approfondissement des contradictions du capitalisme et l’aggravation des crises qui en résultent.

Les nouvelles technologies et la révolution des nouveaux moyens de paiement vont bouleverser notre modèle bancaire et il y a fort à craindre que les banques deviennent la sidérurgie des années qui viennent. C’est pourquoi, en tant que salariés et syndicalistes, nous devons être très vigilants quant au développement du numérique et du digital dans nos entreprises.

Pour Sud-Solidaires, l’année 2016 doit être celle de la résistance. Non par posture passéiste de refus du changement, mais parce que nous sommes convaincus que les technologies, les outils et les usages attachées au numérique et au digital sont porteurs de dangers pour nos emplois, nos conditions de travail et de vie, et au final le service dû à la clientèle.

Paris, le 22 janvier 2016. L’exécutif national Sud-Solidaires BPCE.

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